La vie dans le Transsibérien : Moscou/Irkoutsk: 4jours

  Gare de Yaroslav, Moscou le 20 novembre 2016 départ Minuit

  Il fait nuit depuis déjà bien longtemps lorsque nous nous présentons à la gare de Yaroslav.
Le train est déjà à quai. Il est impatient d’accueillir ses voyageurs afin de se réchauffer.
Voyageurs, qui, pour certains d’entre eux occuperont une couchette pendant une semaine (durée maximum du séjour). Pour notre part ce sera 4 jours et 5 nuits. C’est déjà pas mal. Surtout que nous ne savons pas trop à quoi nous attendre… de la fameuse Platzkart.

  4 jours et 5 nuits dans une classe ouvertement critiquée par Dominique Fernandez dans son livre Transsibérien.
Il compare en effet la Platzkart à une sorte de compartiment à bestiaux presque semblable aux conditions que les déportés ont connues, où règne inconfort et puanteur.
Dires d’un voyageur ayant emprunté le Transsibérien en top classe, dans le cadre d’un échange culturel entre la France et la Russie.
Sans doute est-il un peu douillet, ou peut-être trop âgé pour ce genre de voyage.)


Évidemment ces comparaisons refroidissent encore un peu plus qu’il ne fait froid dehors.
Mais la réalité sera très loin de ces pensées décourageantes.

  Il est aux alentours de 23h30 lorsque la Provodnitsa qui sera chargée de la bonne tenue et de l’entretien de la voiture pendant les 7 prochains jours valide notre montée à bord du train le plus mythique du monde.

Nous nous installons rapidement sur nos couchettes et sommes prêts pour le grand départ.
Il est minuit passé et le train, à destination de Vladivostok, s’apprête à franchir le premier des 9075 km de son parcours.

  Les journées à bord du train seront marquées par un riche et beau programme presque fatiguant pour ne pas être provocateur:

-contemplation du paysage qui sera homogène de Moscou à Irkoutsk : alternance de petits villages aux maisons de bois, forêts de sapins et de boulots à perte de vue et villes soviétiques de tailles importantes à très importantes.
En pleine Sibérie à -20° on se dit alors que le train c’est la vie et qu’un simple carreau nous sépare de la congélation.

-nombreux allers-retours dans la voiture en passant évidemment par le Samovar.
Le Samovar est une véritable source de vie dans le train. C’est une drôle de machine située à l’extrémité de la voiture, à proximité du bureau de la Provodnitsa et des toilettes. Elle fonctionne au feu de bois et a pour fonction de nous approvisionner en eau bouillante. La consommation de soupes, purées et thés est alors envisageable.
Cette machine attire sans cesse les va-et-vient des voyageurs et son absence provoquerait un voyage bien triste.


-Piques niques et grignotages de sardines, thon, pain, fromage, concombres, mandarines, bananes, gâteaux, chocolats.

-Écoute de musique et audios-books.

-Échanges de regards, et quelques fois de mots et gestes avec des voisins qui se renouvèleront tout au long du voyage.

-consultation du programme horaire près du samovar qui indique le temps d’arrêt aux différentes gares ainsi que le changement de fuseau.

-petites ballades et ravitaillement de nourriture sur le quai d’une gare 2 à 3 fois par jour 15 à 30 minutes pendant que la Provodnitsa casse à coups de barre de fer les blocs de glace qui se sont formés sur le train.

Ce programme sera répété durant les 4 jours sans la moindre culpabilité de ne rien faire (même si traverser la Russie ce n’est pas rien) ou plutôt de faire ce que l’on veut.
Emprunter le Transsibérien c’est s’offrir 2,4 ou 7 jours de pure tranquillité.


  Les kilomètres défilent, les fuseaux horaires aussi (environ 1 par jour) et après 2 jours de voyage on commence à être un peu chamboulé.
Les gens dorment et mangent à leur rythme, à toute heure de la journée et de la nuit.
A l’inverse de ce que l’on pourrait penser l’ennuie n’existe pas.
Certains voyageurs à bord de la Platzkart semblent tout de même heureux d’en finir avec cet interminable voyage. Sentiment que nous ne partageons pas.

  L’arrivée se ressent dès les premières heures du dernier jour de voyage.
Une forme de nostalgie s’impose au moins 3h avant l’arrivée lorsque les dernières affaires sont rangées dans les sacs, prêts à remonter sur notre dos.

  Ça y est, il est aux alentours de 17h30 en ce jeudi 24 novembre.
Irkoutsk est en vue, les premières barres soviétiques et cheminées d’usines apparaissent pour la énième fois.
Il est temps de laisser notre place à d’autres voyageurs.